1941: Naissance à Paris. Famille méridionale: Toulouse du côté maternel; les Landes du côté paternel. De ce dernier côté sont les racines, en plein cœur de la Chalosse, au canton de Mugron: grande maison de famille aux airs de château féodal imprégnée d’une forte présence des ancêtres, au milieu d’un parc foisonnant de chênes antiques. Forte présence surtout de l’aïeul, Eugène (1856-1933) ingénieur, architecte de sa propre maison, artiste à sa façon dans le cadre domestique qu’il s’est façonné, pittoresque pot pourri de styles historiques.

Enfance parisienne. Prédispositions familiales marquées pour les Arts. Copie Gauguin et Vlaminck dont elle adore les grandes coulées de nuages en pleine pâte sur fond de ciels désespérants et dont elle essaie d’imiter, dans ses premiers tableaux, la véhémence et le feu ! Découvre la collection de Madeleine et Marcellin Castaing, amis de famille, mécènes et protecteurs de Chaïm Soutine, dont ils possèdent quelques-unes des plus belles toiles: tout de suite se décide chez elle un goût marqué pour l’intensité la force expressive, la peinture en pleine pâte exécutée à grands gestes sabrés.

1959 – 1960 : Baccalauréat, Concours d’entrée à l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris. Voyages en Italie. Découverte éblouie de Florence : nombreux dessins et études d’après Masaccio, Donatello, Michel Ange. Un tournant dans la vie, se fait là une idée de l’art comme quête de perfection et voie d’accomplissement spirituel. Parcourt la Toscane et l’Ombrie : Assise, Arezzo, Sienne.

1960- 1966 : Atelier Raymond Legueult à l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris. Ambiance stimulante au milieu de condisciples talentueux : l’atelier est une pépinière d’artistes d’où vont sortir quelques-uns des créateurs les plus importants du dernier quart du XXème siècle. Nicolas de Staël fait partie des références admirées de l’atelier. On cite aussi beaucoup Matisse, Bazaine, Bonnard…Elle compose de grands paysages et natures mortes très marqués par l’ascendant de Staël. Palette très sombre,, pâtes lourdes, maçonnées comme des murs, stratifiées comme des crépis. Grande véhémence d’écriture, impérieuses trajectoires de pinceau. Cherche son équilibre entre les deux pôles de la peinture du moment : la réalité poétique et l’abstraction. Le patron apprécie l’énergie créatrice de la jeune élève. En avril 1966, elle fait partie des dix logistes pour le Prix de Rome et sera lauréate du concours de la Casa de Velàzquez.

Exposition personnelle à Paris, Galerie Lauriston.

1967 : Boursière pour deux ans à Madrid. Le Prado, plusieurs fois par semaine. Forte impression du Greco, de Goya, de Velàzquez, et Hieronymus Bosch. Pas de hiatus avec la phase précédente, grands formats, hommages à Goya et Greco. Elle souffre d’un certain déracinement et avoue un certain désarroi dans l’étouffoir de l’Espagne franquiste.

1969 : Mort accidentelle du benjamin de ses frères ; commotion personnelle profonde qui va marquer durablement sa vie. Le retour à Paris l’oblige simultanément à prendre son autonomie et l’amène à chercher un emploi dans l’enseignement et à espacer son activité de peintre. Ce tournant s’effectue au plus critique des bouleversements de société des années 68 : rejet des attaches et des valeurs. Oubliés les lumineux modèles de la Renaissance ! Reniées les vertus de la belle peinture savoureuse suspecte d’accointances avec l’idéologie bourgeoise ! Rejetées les valeurs romantiques d’expression subjective ! Perd ses repères. « Nel mezzo del camin di nostras vita / mi ritrovai in una selva oscura ».

1970 : Enseignante de dessin à l’Ecole Nationale supérieure d’Architecture de Paris (U.P.1) rue Bonaparte. Consacre beaucoup de temps à la pédagogie qui la passionne et commence à exécuter pour des architectes, de nombreux travaux de coloration (dont une mission d’étude pour l’établissement public de Marne-la-Vallée). Sa manière de  peindre évolue vers une peinture d’orientation graphique et géométrique, surréaliste, a tendance onirique, inspirée de Max Ernst, Paul Klee, Kandinsky. Parle aujourd’hui de l’activité picturale de cette période comme d’un dérivatif rassurant, d’une parenthèse, d’un travail un peu étranger à elle-même, un passe-temps qui ne demande aucune concentration.

Exposition personnelle à Florence, Galerie Pic-Pus.

Entreprend à l’Université de Vincennes Paris VIII une Licence d’Arts Plastiques qu’elle obtient en juin 1983 (Université Paris VIII Saint-Denis).

Un passage vers le dessin comble le vide créé par l’inexorable processus d’abandon de la peinture. Travail en noir et blanc, intensité des contrastes, fulgurances des lumières. L’idéal est la pureté formelle des Hautes époques. Retour à la nature des choses, les formes, dessinées selon leur élan vital, sont des fruits, des fleurs, des paysages.

 

Il lui manque, pour retrouver l’élan de peindre, un changement radical de vie. Il survient en 1977 : retrouve alors un ami perdu de vue, historien de l’architecture, dessinateur et sculpteur, rencontré dix-sept ans auparavant en Italie : mariage. Changement de décor : quitte Paris pour se fixer avec lui dans le Midi . Début de la deuxième vie.

1978 : Obtient sa mutation d’enseignante à l’Ecole d’Architecture de Montpellier. Passionnée par la pédagogie et les potentialités de la couleur dans l’organisation de l’espace architectural, centre son enseignement sur l’étude de la couleur, son histoire, les théories et les techniques. C’est dans la foulée de ce travail pédagogique, qu’elle reprend les pinceaux. Ses spéculations d’enseignante orientent d’emblée ses nouvelles recherches en peinture. Inaugure une grande série de paysages intensément colorés.

Retour en Italie, reparcourue en détail du nord au sud, chaque été entre 1977 et 1988. Redécouverte des émotions picturales d’adolescence : surtout Piero della Francesca à Arezzo. C’est en Italie qu’elle confirme l’intuition qui va désormais guider sa vie et sa peinture : peindre la lumière ; jeter sur le monde un regard délibérément positif. Renouer résolument avec le bonheur de peindre sur le motif.

1982, 1987, 1988, 1994, 1997 : présente plusieurs expositions à Montpellier et dans la région languedocienne. 1982, peint un ensemble décoratif pour l’Atrium du couvent des Dominicains à Montpellier : expérience périlleuse du grand sujet biblique à échelle monumentale : la Cène. Exécute un 1% pour la Préfecture de l’Aisne et participe à Berlin- est à un symposium sur le concept « couleur » pour la réhabilitation des quartiers anciens.

Refait ses repères d’artiste : à l’occasion de plusieurs grandes rétrospectives, redécouvre Bonnard, Matisse : les peintres qui construisent le tableau par la couleur et la lumière et ceux qui choisissent d’exprimer l’émerveillement d’être au monde. Carlo Scarpa, architecte vénitien, qui compose ses murs avec des stucs fabriqués de poudres colorées et de poussière de marbre, arrive en tête du palmarès des concepteurs qui subliment l’espace.

Vie partagée entre la maison familiale, en Chalosse, et le midi méditerranéen : toiles ébauchées sur le motif pendant les mois d’été. Lent achèvement en atelier pendant les mois d’hiver.

1988 et 1991 : à l’âge où d’autres voient leurs rejetons entrer à l’université, adopte deux bébés brésiliens, choisit de construire une vie de famille : idée qu’on ne fait pas de bonne peinture hors sol.

1996 : perte des parents. Reprend la charge de la maison familiale en Chalosse. Présences de plus en plus fréquentes et prolongées dans le sud-ouest : retrouver les lumières et les couleurs bien particulières du pays.

VIE NOUVELLE

2002 : cessation de l’activité professionnelle et adieux à la pédagogie, avec tous les regrets que peut donner l’abandon d’une activité passionnante, stimulante, ayant nourri pendant vingt ans sa méditation d’artiste.

2003 : avril-mai. Grande rétrospective de son oeuvre organisée par le musée de Borda à la chapelle des Carmes de Dax. Plus de cent-cinquante pièces présentées, dessins et peintures. Monographie et catalogue par Bernard Sournia, professeur à l’Ecole du Louvre, historien de l’architecture.

2004 : déménagement vers le sud-ouest natal et installation dans la demeure familiale avec mari et enfants. Conversion radicale de vie après les années urbaines, loin des rumeurs, en pleine campagne cultivée, au cœur de ses paysages vécus intensément. Commence une aventure nouvelle. S’écoule un certain temps principalement employé à adapter la maison, conçue au XIXe siècle pour d’autres besoins, à une vie familiale “moderne”, avec des enfants “modernes”.

2010- Entreprend des études de théologie à l’Université de Toulouse, approfondissant ainsi la “dimension cachée” de son travail de peintre.

2021 : Réalise une peinture murale dans l’abside de l’église d’Hauriet (40 m2), sur le thème de la  “création”.

2022 : Exposition Domaine de Sengresse à Mugron.

2023 : Exposition à Montfort-en-Chalosse, galerie du Chapeau Rouge.

2024 : Réalise une grande peinture murale dans l’abside de l’église de Louer (45 m2) sur le thème du “ciel”.

2004-2024 : S’intègre aux associations d’artistes locaux. Entreprend de peindre de très grands formats, sur le terrain, toujours sur ses thèmes paysagers de prédilection.

 

Nombreuses expositions dans l’environnement régional de la Chalosse et du sud-ouest, à Mugron (2004,2009), Saint-Sever (2005), Mourenx, Galerie d’art Contemporain (2006), Saint-Vincent de Tyrosse (2007), Montaut (2008), Saint-Paul-lès-Dax (2011). Montfort-en-Chalosse (2013), Hossegor (2014).

Bernard Sournia